Diversification La méthanisation pour consolider le lait
À la ferme des Moulins de Kerollet, la stratégie de diversification dans l’énergie, avec méthanisation, solaire et séchage, s’est construite autour de la production laitière.
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L’exploitation est atypique dans le paysage breton. Sur un même site, elle regroupe trois pôles interdépendants. L’élevage compte 250 vaches pour une production de 2 millions de litres de lait (Ml). Un pôle énergie comprend trois bâtiments couverts de panneaux photovoltaïques auxquels s’ajoute un méthaniseur en cogénération d’une puissance de 700 kW produisant électricité et chaleur alimentant un séchoir.
« À tout problème, une solution ! »
Sur le plan des cultures, sur les 270 ha de SAU, 220 ha sont consacrés à la production fourragère pour les animaux et 50 ha en légumes d’industrie irrigués via une retenue d’eau. Aux commandes, trois associés, Bruno Calle, son frère Erwan, et Ludovic Jarligant, épaulés par trois salariés embauchés par un groupement d’employeurs commun à toutes les structures. Le tout est situé à Arzal, dans le Morbihan, une commune touristique bordée par l’estuaire de la Vilaine, qui a doublé sa population en vingt ans pour atteindre aujourd’hui 1 800 habitants. Certains y auraient vu une contrainte. Pas les trois chefs d’entreprise dont le leitmotiv est : « À tout problème, une solution ! »
L’unité de méthanisation est montée en puissance en passant de 350 à 700 kW. © I. Lejas
Vingt ans d’innovation
« Nous avons démarré avec le lait et il reste la base de notre métier », rappelle Bruno. En 2000, il s’installe avec Erwan en Gaec, avec les parents, et ils construisent une stabulation. L’élevage donnait alors 600 000 l sur 140 ha. Au départ en retraite de leur père et de leur mère, ils embauchent un salarié, Ludovic. La production laitière se développe et le bâtiment est agrandi.
Afin d’amortir cet investissement, ils posent des panneaux photovoltaïques pour une puissance de 250 kW. « Nous avions été sollicités pour louer nos toitures exposées plein sud, se souvient-il. Cela nous a interpellés. Nous avons préféré investir et garder la valeur ajoutée pour nous. » L’exploitation possède désormais trois activités avec un responsable pour chacune : Erwan dédié à l’élevage, Ludovic aux cultures et Bruno à l’énergie. Après deux ans comme salarié, Ludovic s’est installé avec les frères.
Améliorer l’autonomie
En 2010, l’élevage fournit 1,2 Ml de lait et l’objectif est d’accroître l’autonomie alimentaire du troupeau. La méthanisation apparaît aux associés comme une activité très complémentaire à la production laitière : « C’était un bon moyen de valoriser les effluents de l’élevage, mais aussi d’obtenir des fourrages de meilleure qualité en les séchant grâce à la chaleur du méthaniseur. »
La retenue d’eau de 85 000 m3 sert à l’irrigation des légumes. © I. Lejas
Ils arrêtent les cultures de vente de façon à consacrer les surfaces à la production fourragère (maïs, luzerne, herbe). Afin de diversifier la rotation, une surface est conservée pour des légumes d’industrie (avec le groupe d’Aucy). Construit en 2012, le digesteur est alimenté à 80 % par les produits de l’exploitation : lisier, fumier, refus d’alimentation et stocks de reports (par exemple, de l’ensilage d’herbe de l’année passée), le reste provient des déchets d’industries agroalimentaires, notamment de leur laiterie.
De fin mars à fin novembre, le séchoir offre la possibilité de sécher un maximum de prairies de fauche et de luzerne. Mais également, pour compléter la saison, des plaquettes de bois et du maïs grain. « Toutes les cultures implantées ont vocation à alimenter le troupeau. La méthanisation n’a pas tué les vaches. Au contraire, elle a consolidé la production laitière », estime Bruno. Une stratégie qui s’avère payante puisqu’avec l’arrêt des quotas, leur laiterie Eurial (groupe Agrial) leur a permis de développer la production pour livrer 2,1 Ml par an.
7 km de canalisations
Le digestat épandu occasionne des économies d’engrais minéral. De manière à limiter le passage des engins dans le bourg, un réseau de 7 km de canalisations enterrées approvisionne l’épandage sans tonne. Celui-ci sert aussi pour l’irrigation des légumes. « L’administration nous imposait de créer une réserve de sorte à récupérer les eaux de gouttières et de surfaces du site qui couvre 3 ha (soit 20 000 m3). »
D’une exigence réglementaire, les trois associés en ont fait un atout en créant une réserve collinaire de 85 000 m3. En contrepartie, ils ont dû aménager une zone humide de 7 000 m² au pied de celle-ci, une compensation écologique qui améliore leur note en biodiversité dans le cadre du label HVE.
Isabelle Lejas
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